"Emmanuel Macron a dépénalisé le viol",   vraiment ?

27/02/2024

Par Cassandre Delhoye


© Reuters


Le 6 février 2024, Emmanuel Macron s'est fermement opposé à l'adoption d'une définition européenne du viol fondée sur la notion de consentement. À la suite de cela, il a été l'objet d'une immense polémique sur les réseaux sociaux, les internautes l'accusent d'avoir dépénalisé le viol. 


Qu'en est-il réellement ? 

Le mardi 6 février, l'Union européenne a adopté la première loi sur les violences faites aux femmes qui a pour objectif de bannir, par exemple, le mariage forcé ou encore le cyberharcèlement sexiste. Toutefois, cette loi ne comporte pas de définition européenne du viol. En effet, celle-ci a été refusée par la France, mais également par d'autres pays, notamment l'Allemagne. 

Ce refus a été énormément critiqué et a été vu comme un recul dans la lutte contre les violences faites aux femmes


Mais alors pourquoi cette définition a-t-elle était refusée par le président français ? 

Premièrement, la réticence du président français à soutenir une telle démarche européenne a suscité la controverse, car, bien qu'il ait promis de faire avancer les droits des femmes au cours de son second mandat, le tableau est terni par sa prise de position dans cette définition peu de temps après qu'il a affirmé le droit à la présomption d'innocence de l'acteur Gérard Depardieu, accusé d'agression sexuelle.

Pour le gouvernement français, la difficulté est que la définition européenne repose sur la notion de consentement : c'est-à-dire qu'il y aurait eu viol lorsque la victime n'a pas donné son consentement volontaire.

En outre, comme l'ont affirmé plusieurs féministes, mais aussi le garde des Sceaux, Éric Dupont Moretti, définir le viol par l'absence de consentement reviendrait à caractériser l'infraction au regard du comportement de la victime, non en considération de celui de l'auteur. En ce sens, le camp d'Emmanuel Macron considère que nos lois nationales sont plus protectrices que la définition européenne. 

Pour rappel, l'article 223-23 du Code pénal français dispose que : 

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. ».

Une définition volontairement large afin d'encadrer le plus de situations possibles, et bien que le consentement ne soit pas envisagé par les textes, il n'est toutefois pas ignoré par la jurisprudence qui le fait découler de la notion de contrainte, pas de contrainte si la personne est consentante. En effet, la jurisprudence a souvent considéré que « l'absence totale de consentement de la victime au moment de l'acte litigieux, élément constitutif de l'agression sexuelle, doit être caractérisée pour que l'infraction soit constituée », notamment dans un arrêt du 4 septembre 2019 (Cass., Com., 4 Septembre 2019 – n° 18-84.334).

À l'inverse, la définition européenne proposée par la Commission européenne se fondait sur le concept « Only yes means yes », c'est-à-dire « Seul oui signifie oui ». Ainsi, le viol était défini comme une relation sexuelle sans consentement. La difficulté d'une telle définition réside en la nature du consentement : que deviendraient les relations sexuelles auxquelles un « consentement » aurait été donné sous la menace ? De plus, la définition européenne ne donne pas de définition claire du consentement, ni où il commence, ni où il s'arrête. Ce qui semble, non pas large, mais flou.

Par ailleurs, une telle définition pourrait avoir de lourdes conséquences en matière probatoire. Sauf quelques rares exceptions, la charge de la preuve repose sur le Ministère Public en matière pénale, prouver l'absence de consentement semble alors difficile. Certains considèrent que la contrainte et la violence sont plus facile à prouver, notamment par le biais d'ecchymoses, de coups.

Toutefois, beaucoup de pays ont défendu la directive, certains d'entre eux intégrant même la notion de consentement dans leur qualification juridique du viol. C'est notamment le cas de la Belgique qui définit le viol par le consentement de la victime.

Le constat final est assez évident. Généralement, comme toujours en droit, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Faites l'expérience, posez n'importe quelle question à un juriste, il vous répondra sûrement : « Ça dépend ».

La définition française du viol n'est certainement pas parfaite, aucune définition d'un tel crime ne l'est. La définition européenne est également intéressante, mais semble, elle aussi, être incomplète. Il est cependant évident qu'une évolution de cette définition serait appréciable à l'avenir afin de faciliter les choses pour les victimes. Les points de vue divergent, notamment sur des questions revêtant une telle importance dans notre société.

En revanche, il faut être très clair sur un point : cette polémique doit cesser, non Emmanuel Macron n'a pas dépénalisé le viol en France, les choses n'ont pas changé et la définition reste la même qu'avant son refus. Le viol constitue bel et bien un crime en France. 


Alors, au sujet de ce conflit de définitions, il faut se demander : les deux définitions ne pourraient-elles pas se compléter ? 

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